Qui veut la peau de la Cigarette Electronique

Qui veut la peau de la Cigarette Electronique

 

 

 

Alors que Marisol Touraine, la ministre de la Santé, vient d'interdire l'e-cigarette dans les lieux publics et aux moins de 16 ans, plusieurs tabacologues s'interrogent sur cette décision qui nuit, selon eux, à l'intérêt de la population.

 

"Nous voulons appliquer à la cigarette électronique les mêmes mesures qu'au tabac." La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a tranché, vendredi 31 mai, sur l’épineux sujet de l’e-cigarette : le gadget électronique sera interdit aux mineurs de moins de 16 ans dans les lieux publics et il sera prohibé d’en faire la publicité. À entendre Marisol Touraine, les "vapoteurs" - surnom donné aux utilisateurs de l’e-cigarette - s’exposeraient aux mêmes dangers que ceux procurés par une cigarette "normale". "La cigarette électronique n'est pas un produit banal", a d’ailleurs expliqué la ministre sur France Info, avant de rappeler que "le tabac, ce sont 73 000 morts chaque année".

Dans un rapport publié le 28 mai par l'Office français de prévention du tabagisme (OFT), rien ne permet pourtant d’attester de façon formelle que "vapoter" entraîne un risque réel pour la santé. "Actuellement, on n’en connaît pas suffisamment sur ces produits [qui composent la e-cigarette]", notent les auteurs de l’étude. Mais, pour autant que l’on puisse en juger avec le recul dont les experts disposent, l’e-cigarette, "bien fabriquée et bien utilisée, est en elle-même un produit qui présente des dangers infiniment moindres que la cigarette".

"Excès de zèle catastrophique"

Marisol Touraine aurait-elle alors agi par précaution, face aux risques potentiels d’une nocivité encore non avérée ? "La ministre française pèche par excès de prudence. Ce zèle est catastrophique", juge Jean-François Etter, professeur en santé publique à l’université de Genève, contacté par FRANCE 24. "Je suis en désaccord total avec les conclusions [du rapport du 28 mai, NDLR] qui n’ont aucune base scientifique sérieuse. La cigarette électronique est une alternative qui peut sauver des millions de vies. Je ne comprends absolument pas ces déclarations décevantes et qui vont à l’encontre de l’intérêt de la population", poursuit-il, excédé.

Pour de nombreux experts en tabacologie, l’e-cigarette, sans avoir les vertus d’un médicament, représente, en effet, une "promesse thérapeutique" enthousiasmante. Selon le médecin William Lowenstein, spécialiste des addictions et président de l’association SOS addictions, les bénéfices du gadget pour les "vapoteurs" sont indéniables. "[Dans la cigarette électronique], vous n’avez plus toutes les substances cancérigènes qui sont promues par la combustion. (…) Remplacer la cigarette, c’est déjà se sevrer de cette cochonnerie cancérigène", soulignait-il dans l’émission "C à dire", diffusée le 16 mai dernier sur France 5.

Éliminer un concurrent  des lobbies pharmaceutiques

Un autre expert, le professeur Robert Molimard, pionnier dans la recherche sur la tabacologie, n’hésite pas à pointer du doigt de "probables arrangements" entre lobbies pharmaceutiques et gouvernements européens dans les prises de décisions sur l’e-cigarette. "Comment ne pas s'interroger quand la plupart des experts du rapport de l'OFT, dont Bertrand Dautzenberg, Béatrice Le Maître, Gérard Mathern, déclarent avoir des liens, voire des contrats, avec des groupes pharmaceutiques ! Il y a évidemment conflit d'intérêt !", explique-t-il, las, à FRANCE 24.

Il est vrai qu'à la page 20 du rapport, on peut lire, étonnament, que l'expert "Daniel Thomas déclare avoir des contrats de recherche avec Boerhinger Ingelheim France et Pierre Fabre Médicament, des contrats de consultant-conseil avec Pfizer et Solvay Pharma, des contrats d’actions de communication avec Pfizer, Novartis Santé Familiale, Pierre Fabre Médicament, Mc Neill et Servier, et des prises en charge de frais de congrès par Pfizer et Pierre Fabre Médicament".

Il ne fait "aucun doute", selon l'éminent professeur, que la décision de Marisol Touraine résulte de pressions menées par ces mêmes groupes industriels. À l'heure où la Commission européenne réfléchit à la réglementation des cigarettes électroniques, les lobbies pharmaceutiques font tout pour que le gadget électronique, devenu "un sérieux concurrent aux patchs et autres gommes à mâcher nicotinées" qu'ils vendent, soit condamné à mort, explique-t-il encore dans un article publié le 23 mai sur le site Formindep, un collectif dont le but est de "favoriser une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes".

Un marché très lucratif

Il faut dire que la commercialisation de la cigarette électronique est particulièrement lucrative depuis quelques années. Selon l'OFT, le chiffre d'affaires en France de l'e-cigarette, qui représentait  40 millions d'euros en 2012, devrait atteindre 100 millions d'euros à la fin de 2013, soit l'équivalent du marché des substituts nicotiniques.

Bien que sceptique face aux allégations de son confrère, Jean-François Etter ne balaie pas d’un revers de main l’idée d’une possible connivence entre l'État et les groupes industriels. "Si parler ouvertement de collusion entre pouvoir politique et industries pharmaceutiques relève encore du scénario de cinéma, personne ne peut nier que la ‘mort’ de la cigarette électronique ferait incontestablement les beaux jours des groupes pharmaceutiques", conclut-il.

 

Retrouvez cet article en ligne sur : http://mobile.france24.com/fr/20130531-france-cigarette-electronique-tabac-marisol-touraine-reglementation-lobby-pharmaceutique

Publié dans E-Cigarette et Santé

Publié le 01/06/2013 18:55:09
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